lundi 26 novembre 2012

Etre beurré…une expression aux origines mystérieuses

L’adjectif beurré renvoie en premier lieu au monde culinaire et vise ce qui est recouvert d’une couche de beurre ou enduit de beurre. Puis beurré désigne par analogie  ce qui est enduit d'une substance pâteuse quelconque : "Des femmes du trottoir, boudinées et les cheveux beurrés, l'œil peint" (ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936).

Mais dans le langage populaire, beurré signifie être ivre en référence à l’emploi argotique du verbe beurrer : "Ayant trouvé par le plus grand des hasards, et au fond de ma poche, un billet bleu froissé (...) je me beurrais patiemment" (J.P. CLEBERT, La Vie sauvage, 1953).

Incongruité de la langue française, se beurrer signifie également s’enrichir : "Il avait compris cette raclure, qu'on se beurrait dans les subventions!" (CELINE, Mort à crédit, 1936). Or nous nous savons bien que soirées et économies ne font pas bon ménage ! 

Au passage, Le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de LAROUSSE (1866-1877) nous éclaire sur la signification de beurret. Une pensée pour le Général !
Tous les Maurice sont nos amis, et en l’occurrence Maurice PRIGNIEL (1903-1987) l’est ! Ancien instituteur, Montmartrois et philologue passionné, il s’est déjà intéressé à notre sujet et a publié en 1965 dans la revue Le Français moderne : Note sur « être beurré » et sur d’autres expressions argotiques signifiant être ivre ».



"Dans le bas langage parisien, être beurré, c'est être ivre"...à la suite de Maurice, enquêtons sur cette expression !




Certains avancent que le terme beurré dérive de l’expression "être bourré", qui associe à l’ivresse l’idée d’un "trop plein", bien connu de certains. Cependant, la première occurrence de "être beurré" serait antérieure à celle de "être bourré" ...

L’expression trouverait plutôt son origine dans l’argot des imprimeurs, une page beurrée désignant au début du XXe siècle, une page surchargée d’encre noire. L’expression serait donc à rapprocher de l’expression "être noir"...

Cependant, nous n'avons pu trouver quelconque trace de cette explication dans les dictionnaires argotiques de la profession...le mystère resterait-il entier?!


Pour finir, quelques synonyme du mot "ivre": soul, pompette, éméché, grisé, schlass, bituré, gai, pété, gris, rond, cuit, en brosse, gaviolé, pinté, plombé, aviné, paf, hourdé, plein, frit confit,… à vous de choisir !


Pour d’autres expressions argotiques consacrées du monde de l’imprimerie avec des extraits du truculent « Chier dans le cassetin aux apostrophes... et autres trésors du vert langage des enfants de Gutenberg » ou le plus complet dictionnaire des typographes.


Sources principales : Gallica, Centre National de Ressources Textuelles et Littérales


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