mardi 25 décembre 2012

Un poivrot boit de l'eau ...


...de vie!




En effet, au 19ème siècle, un "poivre" désigne un verre d'eau de vie...d'assez basse qualité. Le terme signifie alors également "poison" ou "syphilis". Dans le dictionnaire de DELVEAU de 1884, "Poivrer un homme", c'est lui donner la vérole !

C'est qu'à l'époque, l'usage du poivre pour corser les eaux-de-vie (avec le camphre et le vitriol) s'est considérablement développé...au point que la boisson prenne le nom de son condiment.


Ainsi dans Bel Ami de MAUPASSANT, lorsque Clotilde et Duroy entrent dans "des caboulots populaires" et s'assoient "au fond du bouge enfumé"  et que le garçon leur sert des cerises à l'eau-de-vie :

Elle, tremblante, apeurée et ravie, se mettait à boire le jus rouge des fruits, à petits coups, en regardant autour d'elle d'un oeil inquiet et allumé. Chaque cerise avalée lui donnait la sensation d'une faute commise, chaque goutte du liquide brûlant et poivré descendant en sa gorge lui procurait un plaisir âcre, la joie d'une jouissance scélérate et défendue.

Par métonymie, un "poivre" désigne alors une personne alcoolique :
"Et alors! Tous les grands peintres ça picolait. Tous des poivres. Van Gogh, Utrillo, la peinture à l'eau c'était pas leur fort (R. FALLET, Le Beaujolais nouveau est arrivé, 1975).

Le terme a ensuite dérivé vers le synonyme "poivrot" que nous connaissons. Ainsi Eugène BOUTMY dans son dictionnaire de 1883 indique :

Poivreau : s. m. Ivrogne. Le mot poivreau tire évidemment son origine du poivre, que certains débitants de liquides ne craignent pas de mêler à l’eau-de-vie qu’ils vendent à leurs clients. Ils obtiennent ainsi un breuvage sans nom, capable d’enivrer un bœuf. Que d’anecdotes on pourrait raconter au sujet des poivreaux ! Bornons-nous à la suivante : Un poivreau, que le « culte de Bacchus » a plongé dans la plus grande débine, se fit, un jour entre autres, renvoyer de son atelier. Par pitié pour son dénuement, ses camarades font entre eux une collecte et réunissent une petite somme qu’on lui remet pour qu’il puisse se procurer une blouse. C’était une grave imprudence ; notre poivreau, en effet, revient une heure après complètement ivre.
— Vous n’êtes pas honteux, lui dit le prote, de vous mettre dans un état pareil avec l’argent que l’on vous avait donné pour vous acheter un vêtement ?
— Eh bien ! répondit l’incorrigible ivrogne, j’ai pris une culotte.

Depuis son emploi adjectif s'est développé. Sachez enfin que par extension, une mine à poivre désignait alors un cabaret...


Pour en savoir + sur l'emploi du "poivre" dans de nombreuses expressions : 

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